Une redéfinition globale des EHPAD attendue
La crise sanitaire a largement éprouvé le système actuel des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) et a mis en évidence la nécessité de repenser le modèle pour demain. Une réflexion qui s’annonce d’autant plus importante que le papy-boom, annoncé à horizon 2030, fera drastiquement augmenter la population française âgée de plus de 65 ans. Un mur démographique composé d’une génération qui ne revêt plus tout à fait les mêmes besoins.
Dès 2019, les conclusions du rapport Libault préconisaient ainsi que les EHPAD doivent changer pour mieux répondre à cette nouvelle génération d’aînés, pour qui ces établissements sont en décalage avec leur conception du lieu de vie où ils souhaitent passer leurs dernières années.
Dans ce droit fil, le Ségur de la Santé a consacré un plan d’investissement pour la modernisation des EHPAD. Ce plan de 2,1 milliards d’euros prévoit de transformer en profondeur leur modèle dont 1,5 milliards d’euros seront consacrés à la rénovation de l’immobilier et 600 millions à la numérisation des établissements.
Pour impulser une dynamique à ce plan de transformation, en juillet 2021, la ministre déléguée à l’autonomie, Brigitte Bourguignon, a présenté les priorités gouvernementales à l’occasion d’une web conférence intitulée « Dessine-moi l’EHPAD de demain ». Lors de cet évènement, elle soulignait alors l’importance des EHPAD dans la perte d’autonomie, mais l’obsolescence programmée du modèle actuel en résumant : « L’EHPAD est mort, vive l’EHPAD ». De facto, elle a annoncé que le plan d’investissement serait l’occasion d’une transformation historique de l’offre des EHPAD grâce à une redéfinition globale articulée autour de 3 fondamentaux :
- Des EHPAD plus médicalisés
- Des EHPAD ouverts sur l’extérieur
- Des EHPAD véritables lieux de vie
Des EHPAD plus médicalisés
Début juillet 2021, les professeurs Jeandel et Guérin, remettaient un rapport sur les USLD et les EHPAD à Brigitte Bourguignon, dans lequel ils faisaient le constat qu’il faudra plus de soins en EHPAD pour l’avenir, notamment au regard du fait que le recours à l’hospitalisation des résidents d’EHPAD à tendance à les désorienter et à accélérer leur perte d’autonomie.
Ainsi, il est plaidé pour une accentuation du soutien médical dans les EHPAD qui devra passer notamment par la généralisation des astreintes des infirmières de nuit et le renforcement des équipes mobiles de gériatrie, de soins palliatifs, d’hygiène hospitalière…
Par ailleurs, cet accroissement des soins en EHPAD devra profiter à l’ensemble des territoires. En effet, les EHPAD concentre de nombreuses compétences et ressources gérontologiques, qui ne bénéficient aujourd’hui qu’à leurs seuls résidents.
Demain, l’EHPAD devra devenir « centre de ressources » afin de partager ces compétences sur l’ensemble de son territoire.
Dans ce droit fil, les EHPAD devront aussi prendre leur part dans la création de filières gériatriques d’excellence dans toutes les régions au travers les gérontopôles.
Enfin, les Français ne souhaitant pas vivre leurs dernières années dans un environnement hospitalier, il conviendra de porter une attention particulière à la place du soin dans la vie quotidienne de l’établissement.
Des EHPAD véritables lieux de vie
La ministre déléguée à l’autonomie a confié à Patrick Bouchain, grand prix de l’urbanisme, la mission d’accompagner la transformation des EHPAD, tant dans leur forme que leurs usages.
Il est ainsi prévu de sécuriser ces établissements afin de les ouvrir sur l’extérieur, sur la vie sociale et la cité, afin d’en faire de véritables lieux de vie.
Pour ce faire, l’architecture aura un rôle primordial à jouer. Au fonctionnel et à l’utile, longtemps privilégiés, devront désormais être associés le beau et l’agréable.
Les petites unités de vie autonomes, avec des « espaces agréables et vivants », selon les mots de Brigitte Bourguigon, contribueront également au bien-être des résidents et des professionnels des établissements.
Des EHPAD ouverts sur l’extérieur
Demain, l’EHPAD devra faire partie intégrante dans la vie de la cité. Certains établissements l’ont bien compris et ont déjà imaginé et installés en leur sein des dispositifs qui permettent cette ouverture à l’instar de jardins partagées ou encore de maisons d’assistante maternelle, qui favorisent en outre le lien intergénérationnel.
Afin que l’ouverture des EHPAD sur l’extérieur fasse désormais partie de leur ADN, la ministre déléguée à l’autonomie a entendu lancer un appel aux acteurs économiques et sociaux à inventer des tiers-lieux dans les EHPAD via un appel à projet lancé en septembre par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Grâce à celui-ci, 25 projets de tiers-lieux en EHPAD ont été sélectionnés sur l’ensemble du territoire français fin janvier 2022 et seront financés à hauteur de 3 millions d’euros. Une initiative qui a pour but d’encourager les EHPAD à s’ouvrir sur leur quartier au-travers de tels lieux, co-construits avec les habitants et les acteurs de la vie sociale locale.
Un changement en profondeur
Pour accompagner cette transformation profonde, le 13 juillet 2021 la ministre a signé une convention liant la CNSA et la Caisse des Dépôts jusqu’en 2026.
Au-travers celle-ci, il est prévu d’accompagner la stratégie des territoires, de soutenir massivement la rénovation du parc d’EHPAD existant et la réalisation de nouvelles solutions d’hébergement et enfin de développer des solutions innovantes.
Pour ce faire, dans le cadre de France Relance et du Ségur de la Santé, la Caisse des Dépôts s’est engagée à mobiliser plus de 3,5 milliards d’euros, dont 25 millions de crédits d’ingénierie pour les stratégies territoriales, mais aussi 2,5 milliards d’euros de prêts pour financer la construction et la rénovation de bâtis, et 1 milliard d’euros de fonds propres, en soutien aux investissements à réaliser.
Dans ce même but, la ministre déléguée à l’autonomie a également installé « le Laboratoire des solutions de demain », volet scientifique du Conseil National des Investissements en Santé, confié à la CNSA, afin de rendre concrets les objectifs et orientations du plan de transformation.
Enfin, pour accompagner cette transformation en profondeur des EHPAD, Brigitte Bourguigon a marqué le souhait d’en changer le nom. Une consultation citoyenne devrait prochainement être lancée afin d’imaginer leur nouvelle dénomination.
Ne plus opposer EHPAD et domicile
Parallèlement à cette feuille de route, l’Etat prévoit aussi d’encourager l’expérimentation « EHPAD hors les murs » qui vise à permettre à des personnes âgées en perte d’autonomie de vieillir chez elle tout en bénéficiant de nombreuses prestations offertes par les établissements.
Selon Brigitte Bourguignon, le virage domiciliaire ne peut en effet se faire sans les EHPAD, et il faut que ces derniers y prennent toute leur place.
De facto, il conviendra de rapidement dépasser l’opposition entre établissement et domicile afin de laisser la place à de nouvelles solutions d’habitat, en corrélation avec le désir des Français de vieillir le plus longtemps possible chez eux.